Exposition

Au milieu des rires (et des crises), 2024

Chez nous, même le silence est bruyant

Artiste : Yasmine Hadni

Lieu : African Arty

Date : 13.02 I 31.03 I 2025

Commissariat : Salma Lahlou

Production : African Arty

Description

Mémoire et mouvement 

Le passage du Moi au Soi dans l’oeuvre de Yasmine Hadni

 

L’œuvre de Yasmine Hadni s’articule autour d’une tension entre mémoire et réinvention, entre fidélité aux souvenirs et leur transformation à travers un langage visuel, sonore et narratif. Consciente des responsabilités liées à son appartenance à la bourgeoisie marocaine, elle engage son travail dans une réflexion où l’intime devient un prisme pour interroger les rapports de classe et les assignations sociales.

Dans Mon Arbre généalogique, sa peinture la plus monumentale, elle dépasse la représentation traditionnelle de l’arbre généalogique pour en proposer une vision plus symbolique et affective. Plutôt qu’un schéma figé de transmission héréditaire, elle compose un réseau de figures choisies, fondé sur une décision du cœur plutôt que sur une stricte filiation biologique. Cette reconfiguration picturale devient ainsi une lecture critique de l’héritage familial et des injonctions qu’il porte, affirmant une généalogie réinventée, affranchie des assignations conventionnelles.

Hadni puise dans les archives familiales – photographies, documents intimes – non pour figer la mémoire, mais pour en faire une matière mouvante, en constante réinterprétation. Elle la tisse avec des références extérieures, mêlant cinéma et peinture : Roma d’Alfonso Cuarón (2018), Le Ruban blanc de Michael Haneke (2009), Une Séparation d’Asghar Farhadi (2011), Zone d’intérêt de Jonathan Glazer (2023), ou encore les œuvres de Frida Kahlo, Edward Hopper et le Douanier Rousseau.

À travers des œuvres comme Le Rituel du matin, Hadni questionne les relations domestiques et la complexité des rapports de pouvoir au sein des foyers. Sa démarche interroge la tension entre proximité affective et hiérarchie sociale, particulièrement dans le lien entre les enfants et les nourrices ou employées de maison. Cette réflexion trouve un écho dans son œuvre sonore Hadi machi mama, hadi mama li rbatni, hadi Nana, où elle donne la parole à sa nourrice, inversant les hiérarchies établies en mettant en lumière une voix souvent occultée.

Aujourd’hui, Hadni dépasse le travail sur la mémoire pour affirmer une peinture autonome, où l’invention l’emporte sur la reconstitution. Ses œuvres récentes s’émancipent du passé pour s’inscrire dans un dialogue plus large entre la figuration et l’abstraction, le visible et l’invisible. La narration picturale devient un espace d’expérimentation où la charge émotionnelle des couleurs, des motifs récurrents et des silences visuels amplifie les tensions qu’elle met en scène.

À travers son exposition Chez nous, même le silence est bruyant, Hadni déploie un langage visuel où chaque image est un fragment de mémoire, réassemblé dans une dynamique d’émancipation.

Visuels